Les conversations entre service public et entreprise privée mettent en présence deux continents entre lesquels les passerelles paraissent souvent mal assurées. L’inconvénient est ici de taille et l’enjeu dramatique, car une telle césure n’est évidemment pas le meilleur moyen de réunir les forces. Il s’agit d’autant moins de prendre parti que les torts sont partagés, mais de faire en sorte que les « deux France » – l’allusion à l’Etat et à l’Eglise du XIXe siècle est ici transparente – parviennent à mieux se parler. Une expérience et formation universitaires aboutissant à une activité de conseil aux entreprises nous rend particulièrement sensibles aux raisons des deux parties et permet de jouer les médiateurs. Que l’on veille bien nous accorder ici une chance de transformer cet essai.
Qui contestera que notre civilisation repose depuis longtemps déjà sur l’activité économique, laquelle consiste à créer une valeur d’échange qui est comme l’influx vital de notre système capitaliste ? C’est à cette simple idée que résistent parfois ceux dont le statut protégé permet de dédaigner toute considération de cet ordre.
Qui contestera aussi qu’une civilisation sans services désintéressés du point de vue du profit financier aboutirait à une concurrence absolue et barbare ? C’est à cette simple idée que résistent parfois ceux que l’habitude d’acheter ou de vendre fait oublier que la création de valeur marchande ne pourra jamais constituer le tout d’une civilisation.
Les dialogues de sourds viennent souvent du choix entre deux mauvaises solutions, et à notre avis, conduire paisiblement sa carrière sans aucune considération de rentabilité est aussi irresponsable que d’oublier ce qui, dans une civilisation digne de ce nom, transcende les catégories de l’économie. Le service aux personnes et la création de valeur soutiennent notre société avec une égale nécessité, et par exemple, une éducation que ne penserait qu’à compter serait aussi déplacée qu’une entreprise incapable de dégager des marges.
Mais au-delà, cette surdité réciproque empêche de jouir d’une force et d’un potentiel dont nous avons pourtant besoin pour affronter les temps à venir. Les enseignants qui souvent nous interrogent peuvent d’ailleurs de moins en moins se permettre de regarder les questions financières comme impures, car ils savent à présent que les ressources qui alimentent leur système sont comptées. Les dirigeants qui nous consultent ne peuvent pas d’avantage négliger l’importance de cette culture personnelle qui est l’objet ultime de l’éducation, car ils attendent à présent de leurs salariés un savoir-être qu’ils constatent maintenant en voie de disparition. L’enseignant socialise le futur salarié, ce qui permet par exemple de le rendre ponctuel, mais ce sont les valeurs crées par d’autres qui lui permettent de se consacrer à cette noble tâche. Ne faut-il pas deux pieds pour se tenir debout ?
Il s’agit de se reparler, et d’harmoniser les ressources dont chacun détient une part dont l’autre a pris l’habitude de négliger l’importance. Le dialogue est ici le remède, et l’intelligence réciproque le meilleur moyen de l’appliquer.