Déc 29

Le plaisir au travail

On parle beaucoup de plaisir au travail, et le tour ludique que pourraient prendre nos activités professionnelles est parfois présenté comme un remède contre la souffrance au travail. Des formations promettent même de transformer le travail en jeu.

Cette idée est intéressante mais trop souvent mal comprise et mal employée. Le travail n’est pas et ne sera jamais un jeu, et c’est mentir aux salariés que de les inviter à s’amuser afin de se sentir mieux. Comme toutes les tâches productives, le travail pose des exigences qui sont autant de contraintes qui le distinguent du passe-temps. « On peut être occupé en jouant, écrivait Kant, cela s’appelle occuper ses loisirs ; mais l’on peut aussi être occupé par contrainte et cela s’appelle travailler. » Or nous voyons maintenant des formateurs au nez rouge, c’est à nouveau la vieille histoire de la coupe amère dont les bords sont enduis de miel.

Le plaisir lié au travail est une autre sorte de plaisir, qui a certainement à voir avec la satisfaction du travail bien fait ou de l’obstacle surmonté. La formation doit certainement parler de plaisir sans pour autant transformer le travail en son contraire, et par conséquent mentir un peu. Le plaisir du travail consiste bien plus dans l’art d’assumer des contraintes fortes qu’à faire comme si elles n’existaient pas. C’est alors la compétence qui est le premier moyen du plaisir, et non plus le jeu.

Le plaisir vient aussi d’une activité qui a du sens pour celui qui la mène à bien, qui sait pourquoi il supporte d’être contrarié par les exigences de son activité. Le manager ne cherche alors plus à amuser son équipe, mais à donner un sens dont ceux qui supportent la contrainte du travail peuvent se nourrir… se nourrir jusqu’à la satisfaction du travail bien fait. C’est là un plaisir que l’on peut promettre sans mentir.

Dans une de ses récentes chroniques du journal Le Monde (30 nov. 2008), Jean-Michel Dumay souligne combien le salarié espère d’ailleurs « retrouver la trace d’un désir, d’un début de plaisir. Autant dire une dynamique dans son activité professionnelle, qui réarticulera projet et convictions personnelles, et ressuscitera le cœur du problème : la motivation. Ce qui fait se mouvoir, avancer. »

33 commentaires

3 réflexions au sujet de « Le plaisir au travail »

  1. Bonjour,
    oui-da tout cela est bel et bon…!
    Je me pose une question quand même…: est-ce qu’en voyant les choses de façon aussi… manichéenne, on ne reste pas (trop?) dan sles vieilles traces, dans les habitudes ressassées, dans les schémas de réflexion déjà tellement connus?
    Autrement dit, est-ce qu’il serait possible de considérer autrement le delta entre travail et « jeu »? Autrement dit encore : est-ce qu’on ne met pas dans ces deux mots toujours les même contenus, les mêmes qualités et défauts, les mêmes contraintes?
    Certains considérent le travail (le leur proprement) comme un jeu, avec un coté d’addiction, etc… D’autres, comme une contrainte, quelque chose d’hyper chiant, à vouer aux gémonies, etc…
    J’ai l’impression que tant qu’on ne sort pas de ces idées toutes faites, de ces choses apprises et répétées, on tourne en rond.
    Evidemment remettre en cause ce que notre culture a formé (déformé?), au cours de tant de siècles, et les orinetations que cela a pris, cela n’est pas chose facile…

  2. Nous voudrions au contraire garder clairement disjointes les vieilles catégories du travail et du jeu. Ce qui serait dangereux et problématique serait justement de trop vite renoncer à cette distinction. La catastrophe a déjà eu lieu du point de vue pédagogique, c’est pourquoi nous avons évoqué des auteurs qui se sont intéressés à ce domaine.
    L’approche ludique du travail séduit par les facilités dont elle fait la promesse, mais elle néglige trop vite les exigences et les contraintes inévitables dans la plupart des situations de travail. Il serait certes avantageux de pouvoir s’amuser en travaillant, mais il reste encore à expliquer comment les exigences du travail peuvent s’accommoder d’une telle intention. Certaines tâches peuvent certes êtres rendues plus ludiques, mais la plupart impliquent toujours une part de contrainte que peu trouveront amusante… Une part de contrainte qu’il faut donc aider les salariés à assumer au lieu de les tromper par de fausses bonnes nouvelles.
    Il ne s’agit donc pas de répéter le connu ou de céder aux habitudes de notre formation académique… bien au contraire. La plupart des consultants en entreprise font la promesse du jeu, et c’est justement sortir du rang que d’en dénoncer l’irréalisme.
    Nous avons aussi ouvert un nouvel horizon, dénué de toute démagogie celui-là, en proposant de réfléchir sur le sens du travail accompli. Car c’est à la lumière du sens de ce que l’on fait que le travail peut donner satisfaction, c’est-à-dire une certaine forme de plaisir. Ce sens donne de la profondeur au travail, une dimension qui nourrit celui qui le fait, et ne retranche rien à des exigences qu’aucun amuseur ne pourra faire disparaître…
    Merci de votre commentaire.
    David Lucas, directeur de Gaeris Sciences Humaines

  3. La notion de travail et et celle de plaisir de me semblent pas contradictoires- et tant pis pour Kant- on peut aimer son travail et y prendre un certain plaisir pour ne pas dire un plaisir certain.
    Cela n’empêche pas le sérieux et repousse la notion de jeu.
    Aimer son métier et y prendre plaisir ne le transforme pas en jeu. L’exercice d’une profession s’accompagne de moment de stress, de difficultés, etc… mais elle amène également de réelles satisfactions et de vrai joie.
    Pourquoi toujours ramener le travail aux contraintes ? Les règles de beaucoup de jeux sont bien souvent d’un niveau de coercition très élevée, au point de vous dégouter d’y jouer !
    Plus sérieusement on a trop tendance à opposer sérieux et plaisir, il en résulte des comportements coincés, je connais des bureaux où les gens ne sourient jamais cela ne fait pas sérieux ! Et d’autre qui résonnent d’éclats de rire ponctuant des moment d’intense activité, avec des résultats extraordinnaires!

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