Sep 18

Souffrance au travail

Le nombre alarmant de suicides liés au travail a été l’occasion de mettre publiquement en cause certaines méthodes de management. En réalité, la critique est loin de concerner les seuls cas médiatiques. Voilà déjà plusieurs années qu’un médecin du travail attirait notre attention sur le fait que « dans ce monde où la réussite est la principale valeur, les « bonnes manières » peuvent passer pour de la faiblesse et une certaine dose de perversité peut devenir la « norme du métier » » (Dorothée Ramaut, Journal d’un médecin du travail, Paris, Le Cherche Midi, 2006, p. 123). Il fait plus longtemps encore, depuis Emmanuel Kant au moins, que notre civilisation considère que « l’homme, et en général tout être raisonnable, existe comme fin en soi, et non pas simplement comme moyen » (Fondements de la métaphysique des mœurs, trad. Victor Delbos, Paris, Delagrave, 1994, p. 148). En termes d’organisation du travail, cela signifie que les « ressources humaines » ne sont pas une ressource comme les autres, mais une ressource « fin en soi » en quelque sorte, que le management ne peut seulement considérer à des fins d’efficacité ou de profit. Cette perspective déjà datée de la gestion des ressources humaines entre en contradiction avec les exigences élémentaires de la psychologie humaine, et finit par provoquer de véritables drames. Cette issue interroge aussi le statut de notre civilisation, parce qu’un management qui peut tuer serait certes bien plus proche de ce que l’on appelle barbarie.

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