Jan 3

Les sciences humaines et l’entreprise

La souffrance au travail est peut-être ce qui encourage le plus fortement les sciences humaines à intervenir en entreprise. Cette souffrance est notamment le fait d’une trop grande domination des techniques d’organisation par rapport aux enjeux plus spécifiquement humains de la relation de travail. Or si l’ingénieur programme et organise, une discipline telle que la philosophie a justement la capacité d’assumer la complexité de la nature humaine, mais aussi de prolonger la rigueur et la clarté de la pensée rationnelle dans ce que l’entreprise connait de plus qualitatif : les comportements, la motivation, les relations interpersonnelles…
La rationalité logique doit se doubler d’une rationalité plus éthique – plus « pratique » diraient les philosophes – au sein de laquelle le jugement se prolonge en discernement et la conscience en responsabilité. La raison humaine est effectivement logique en ce qu’elle discerne le vrai du faux, parvenant ainsi à créer un ordre dans le divers apparent du monde et à y appliquer des techniques ; mais cette faculté est aussi éthique lorsqu’elle se montre capable de distinctions objectives entre le bien et le mal, l’opportun et l’inopportun. C’est d’ailleurs tout d’abord ainsi qu’elle parvient à tracer une limite entre la civilisation et la barbarie.

A l’heure d’une souffrance pandémique dans les entreprises, cette deuxième forme de l’intelligence rationnelle est plus que jamais d’actualité, et ajoute au vrai et au faux de la logique le bien et le mal dont parle l’éthique. C’est aussi pour cela que Rabelais tenait à ajouter la conscience à la science, et dont le management ou la gestion des ressources humaines ne peuvent évidemment pas se passer.

77 commentaires

7 réflexions au sujet de « Les sciences humaines et l’entreprise »

  1. Bonjour, je suis surpris par l’expression « A l’heure d’une souffrance pandémique dans les entreprises, »,qui me semble quelque peu exagérée!
    Une entreprise ce sont d’abord des hommes et des femmes qui collaborent à un projet: celui de rentabiliser une activité c’est à dire d’en tirer un profit. La diversité des êtres humains conduit à une diversité d’interprétations des ces notions de rentabilité et de profit, cela dépasse largement le domaine du vrai-faux et même celui du bien ou du mal.
    Pourquoi toujours mettre une opposition dans tout, ce qui est bien ou vrai ou mal ou faux à un moment pour une personne peut être différent pour une autre personne ou pour la même à un autre moment.
    De plus ces oppositions entre sciences techniques et sciences humaines, entre science et conscience ne relève pas de la réalité mais du classement partisant des hommes ou des femmes qui défendent une paroisse. Est-il si difficile d’être un Honnête Homme ?, curieux de tout, alimentant son action dans l’existence aux sources des savoirs divers en natures et en origines.
    Ce qui manque à notre monde c’est l’acceptation que nos certitudes ne sont pas les certitudes des autres, que nos vérités ne sont pour d’autres que des mensonges, que notre bien peut être le mal pour l’autre. Car l’Humanité avance ainsi du jeu des renoncements et du mouvement des croyances.
    La Science n’est pas mauvaise en elle même, ce sont les hommes et les femmes qui la font qui lui donne sa valeur, sa grandeur ou sa décadence, et là je vous rejoins n’oublions pas de donner du sens à nos actions.
    Nous sommes le système ce n’est pas à lui de nous dire ce que nous devons être mais seulement ce que nous devrions faire avec notre conscience.

  2. Monsieur,
    Merci de votre commentaire et de la qualité de votre contradiction, à laquelle je suis cependant obligé de résister. Vous avez tort de sous-estimer l’ampleur de la souffrance au travail qui, bien que probablement marginale dans votre propre environnement professionnel, n’en reste pas moins pandémique. La fondation de Dublin ou la Dares ont déjà souligné l’ampleur du phénomène, à l’heure ou « la pratique du harcèlement est utilisée comme méthode de réorganisation du travail » (Nicolas Sandret, préface de Dorothée Ramaut, Journal d’un médecin du travail, Paris, Le Cherche Midi, 2006, p. 18).
    Si par ailleurs on considère, comme vous le faites, que l’opposition « entre sciences techniques et sciences humaines, entre science et conscience ne relève pas de la réalité mais du classement partisan des hommes ou des femmes qui défendent une paroisse », il faudrait tout de même savoir lequel des deux modèles épistémologiques va prévaloir en entreprise. Il y a effectivement une différence objective entre la logique scientifique et la conscience éthique, c’est là un fait indépendant de tout intérêt particulier, y compris celui de Rabelais…
    David Lucas, directeur de Gaeris Sciences Humaines

  3. Pour ma part il y a un intérêt économique évident pour certaines professions à amplifier le phénomène de la souffrance au travail. N’oublions pas que les études ne montrent que ce qu’elles veulent montrer et notre pays est capable de bien des impostures scientifique- le nuage de Tchernobyl est là pour nous le rappeler. ( en 1986 j’étais en Allemagne pour servir ma patrie, il y avait d’un coté du Rhin des panneaux attention radioactivité dans les champs et de l’autre rien…à 3km de distance ).
    Alors je suis très septique- c’est un euphémisme- aujourd’hui avec les résultats des enquêtes officielles ou officieuses organisées par des « spécialistes » et à plus forte raison lorsque cela touche des sujets non observables par le quidam que je suis – non formé comme ils disent.
    Ceci dit la réalité est là je ne disconviens pas! des gens souffrent et d’autres disent souffrir! En fait à force de discours psychologiques, les seuils de sensibilité à la souffrance ont été abaissé de même qu’à force de vanter les mérites du téléphone portable la résistance du consommateur a cédé la place à un besoin ( un député a récemment placé le portable au rang de besoin primaire – gloups ).
    Et j’attire votre attention sur le fait que le marketing se base sur des « analyses comportementales » faites par des psychologues. Je vous fait remarquer que le management se base sur les mêmes études qui analyse les besoins individuels des salariés de l’entreprise ( marketing interne). C’est peut-être là que les Sciences Humaines prennent une place pas très glorieuse dans le monde économique en s’appuyant sur le coté « sciences » pour mieux manipuler « l’humain » pour faire avancer leur business.
    Dans mon milieu professionnel je rencontre également cette expression de la souffrance et j’essaye de la dédramatisé, de la relativiser et de la mettre à son niveau le plus bas et la souffrance réelle et profonde devient l’exception car liée non plus au travail mais à l’individu dans sa relation aux autres et sa relation à lui-même et à il faut soigner.

  4. Vous avez raison de ne pas souscrire aveuglément aux chiffres officiels, et les exemples que vous donnez sont transparents de ce point de vue. Il y a cependant quelque chose de tout à fait improbable dans ce que vous écrivez, parce qu’on n’imagine pas qu’une imposture scientifique puisse être orchestrée au profit de la confrérie des psychologues…
    On peut certes imaginer que la communauté scientifique se laisse aller à minimiser des problèmes objectifs afin de protéger ses habitudes – ou bien encore afin de s’épargner les douleurs de la remise en question – mais en aucun cas qu’elle en invente de nouveaux.
    Ce sont au contraire ceux qui se sentent responsables du climat de l’entreprise qui sont les plus prompts à en nier les tempêtes, et à minimiser l’ampleur d’un problème enfin sorti du secret. Là est la véritable imposture.
    Votre résistance contre une certaine tyrannie de la psychologie en entreprise mérite en revanche d’être considérée avec attention, mais c’est là un autre débat…

  5. Il y a plusieurs façons d’aborder un problème: l’une d’entre elle est d’en minimiser l’importance pour souvent pour échapper à la responsabilité de son origine. ( qui n’a jamais dit « c’est pas moi et puis de toute façon c’est pas grave ) mais une autre est de la maximiser parce que l’on a un intérêt objectif pour en apporter la solution (ou pour le moins le faire croire).
    Ma position est plus médiane, je refuse de laisser une paroisse ( vous avez compris de qui je parle ) s’emparer seuele du phénomène du mal-être au travail parce que j’estime que c’est le rôle de l’encadrement (hiérarchique, syndical,..) que de se préoccuper de la santé au travail. Il faut que chacun prenne conscience de sa responsabilité dans cette affaire, les uns se retranchent trop facilement derrière les « résultats et les objectifs », non sans lâchetés, et les autres derrière des combats d’un autre age, tellement plus facile à mener qu’ils ne necessitent ni explications et ni remise en cause.
    Pour moi la responsabilité du climat social incombe à tous les acteurs de l’entreprise : le patron, les cadres, les agents de maitrise mais aussi les syndicats , les représentants du personnel et surtout les salariés. Il n’y a pas pour moi les gentils et les méchants, les exploités et les bourreaux: il n’y a que des gens qui font tout le contraire que de travailler ensemble dans le respect mutuel-cela demande un énorme effort- !
    Ce qui se passe dans les administrations aujourd’hui est un exemple très fort qui illustre mon propos. Exemple vécu: un facteur se rend malade parce que la réorganisation du service postal dans lequel il travaille va changer sa tournée. Devant mon incompréhension il m’avoue ne pas savoir où et comment il travaille trois jour après car personne ne lui a dit ! – c’est effectivement une erreur grave du management – mais alors j’ai demandé si ce facteur avait poser la question à son chef la réponse m’a sidérer: Non ce n’est pas à moi à le faire ! Ce qui le rendait malade (au sens physique et moral) ce n’est pas l’incertitude de la tournée, c’est l’incertitude de ne pas savoir pourquoi le chef ne lui as pas dit. J’ai ouvert alors le débat en disant « et si ton chef croyait que tu le savais? » » et « si tu avais rater une information parce que ce jour là tu n’étais pas présent? » et là le facteur a avoué qu’il ‘aller pas aux réunions, il faisait déjà beaucoup d’heures etc etc – j’ai eu un sourire en coin – et puis il devait me le dire, j’ai droit à être informé. Il n’y a pas de dialogue humain et pourtant il y a un dialogue social au sens légal du terme.
    En fait tout en écrivant me vient une pensé: les relations dans le travail et au delà, se résument pour un individu à avoir des droits et à mettre en avant des devoirs pour ses relations de travail et réciproquement ! Je pense qu’il y a là un travail pour les sciences humaines expliquer l’imbrication et le dualité des notions Droit/Devoir et Devoir/Droit. Des notions à inculquer à tous des acteurs qui souvent font mine de ne pas comprendre.
    Pour ma part j’ai une devise avec les représentants du personnel de mon site : » on a le droit de ne pas être d’accord, on a le devoir de se respecter mutuellement » et nous trouvons toujours un compromis ! C’est notre façon de faire avancer le monde !

  6. Bonjour a tous
    Je me permet également de donner mon avis sur le sujet, ayant dans mon précédent emploi suivi ce que l’on appel « un stage de gestion du stress »

    Pour commencer je reprendrais bien cette phrase « A l’heure d’une souffrance pandémique dans les entreprises »… qui selon moi peux être effectivement employée dans des entreprise ou règne le chaos et ou l’objectif premier est de concurrencer son propre collègue de travail.
    Et généralement ce sont ce genre d’entreprise où vie a face caché la dépression et l’échec de vie de famille.
    Donc dans ce genre d’entreprise il peut y avoir utilité de mettre en place une analyse profonde des envies et motivations de chacun. Car au lieu de projeter ces motivations dans un but de concurrence extérieur, le défit deviens interne et donc le stress en lui-même se retrouve projeter au environnement même de l’entreprise.

    Mais comment gérer et mettre en place une aide quelconque au sein d’un lieu de travail lorsque le monde dans lequel on vit est un monde de perdition.
    Et je pense ne pas exagérer dans mes mots.
    Nous sommes dans une société ou l’on remarque l’éléphant mais pas la fourmi. Un monde où l’étude même de ses propres intérêts s’avère inutile puisque l’on vie dans un but de satisfaire autrui malgré tout dans un but indirect de ce satisfaire soit même.
    Ce cercle vicieux et sans fin de satisfaire une hiérarchie qui se soucis + du chiffre du profit que du bien être de Ceux qui font le profit.

    Je vais me permettre de reprendre la phrase de Monsieur Deladiennee qui dit ; « Ma position est plus médiane, je refuse de laisser une paroisse s’emparer seule du phénomène du mal-être au travail parce que j’estime que c’est le rôle de l’encadrement (hiérarchique, syndical,..) que de se préoccuper de la santé au travail. »…et je suis entièrement d’accord pour que l’entreprise prenne en charge ce problème interne.
    Qui sont les meilleurs acteurs que les principaux concernés. ?
    Avec bien sure en soutien si besoin d’un élément extérieur.(en cas de conflit)
    Néanmoins pourquoi ne pas mettre en place un service spécifique au sein de chaque entreprise ? ayant pour protocole un accord des parties (syndicats etc)
    Je pense que les exemples sont assez nombreux sur l’existence d’une véritable souffrance au sein du domaine professionnel.
    J’ai pu travail dans divers administrations et dans toutes régnait un véritable souci de souffrance, plus ou moins visible.
    Que ce soit au ministère de l’intérieur, celui de la santé ou du social…
    Le problème doit être analysé et pris à la base. Les employés les plus bas de l’échelle sont bien souvent les plus touchés car les plus soumis à la pression du travail précaire. Et donc plus manipulable et les plus visés.
    Concernant le domaine patronal, je pense que les visites chez un psychologue devront être mis en place afin de voir si leurs capacités à diriger et ordonner est toujours en accord avec les objectif de l’entreprise et les droits des salariés.
    Enfin pour finir,
    Effectivement il y a un besoin à la création de cette aide peut importe le moyen employé, qui relève de la science ou pas. Le besoin est là. La demande plus discrète. Mais selon moi le problème de souffrance ne se réglera que par l’action de nombreux facteur dont l’un d’eux est la hiérarchie. (bien entendu un patron répondra différemment)
    Bonne journée

  7. Je ne partage absolument pas votre interprétation de la souffrance au travail, à vous entendre le monde du travail c’est l’enfer ! Nous constituons tous ce monde avec nos mesquineries, nos égos supérieurs et notre suffisance assurée mais aussi avec nos frustrations et nos refoulements.
    D’autre part la notion de métier valorisant est toute relative, la valeur que vous attribuez est-elle salariale? symbolique? d’image sociale? – je veux en avoir une plus grosse que mon voisin, le « une » est question de personne et de voisin.
    La principale cause de souffrance aujourd’hui c’est l’individu lui-même qui ne sait plus se situer dans la société, qui n’accepte plus la hiérarchie qui veut suivre les règles quand cela l’arrange et les dénonce quand elles ne l’arrangent pas (votre référence au code du travail est très éloquente à ce sujet).
    Nous vivons dans une société dans laquelle chacun se croit plus malin que son voisin, se voit supérieur à l’autorité mais aussi dans laquelle la plupart des gens n’assument pas leur responsabilités.
    Ce qui entraine d’énormes frustrations toujours largement surfaite. A près chaque catastrophe on voit des personnes attendre de l’aide sans commencer eux-même à bouger!
    La liberté individuelle et ses droits d’un coté et la responsabilité collective et ses devoirs de l’autre. Le débat sur l’audiovisuel public en est une parfaite illustration, d’un coté il faut garder le service public – financé par l’impôt- pour le bien de la société (et des salariés ) et de l’autre il ne faut pas que l’Etat -collecteur des impôts-ait un quelconque droit de regard ( il n’a pas de compte à demander).
    Les droits pour moi (individu) et les devoirs pour les autres (collectif) tels sont aujourd’hui les valeurs du peuple, encouragé en cela par les discours déresponsabilisants dont nous sommes abreuvés en permanence. A force de militantisme-qui s’assimile souvent à de l’obscurantisme intellectuel et pour certains à du crétinisme- beaucoup veulent mener des combats ou faire des révolutions, ils en oublient de donner un sens à leur vie quotidienne et rejettent cette absence de sens sur l’autre, c’est tellement facile et rassurant.
    Ma conception personnelle est que ma responsabilité individuelle (mes devoirs) dans la société démocratique est la condition indissociable de ma liberté individuelle (mes droits). Mes devoirs garantissent mes droits, les uns sont inséparables des autres, le droit de vote est devenu un devoir à mes yeux depuis 1933.
    Tout cela pour pour dire qu’une grande partie de la souffrance au travail est auto-suggestive ( on voit le mal partout ), et fait ainsi un tort énorme par banalisation à la vraie souffrance au travail engendrée par des comportements déviants dont les auteurs se dédouaneront facilement.
    Ce n’est pas en conduisant une croisade de chevaliers blancs que nous allons arrêter le phénomène mais en agissant au quotidien chacun à son poste- question de responsabilité individuelle puisque nous sommes libre de le faire.

    Quand à votre dernier paragraphe il faut essayer de voir dans la hiérarchie autre chose qu’une volonté de vous b….. et essayer de dépasser les limites de votre fiche de fonctions quand c’est nécessaire cela finit toujours par payer. Avec cela vous vous sentirez mieux dans votre boulot, ce que l’on attend d’un salarié c’est une capacité d’adaptation et d’évolution, faites preuve de souplesse.

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