L’écoute, encore l’écoute… Si nous revenons sans cesse à ce sujet, c’est certainement à cause de son importance pratique. L’écoute est effectivement d’abord une pratique, un « art » comme l’explique Plutarque, qui dépasse les théories bavardes… Mais cet art implique beaucoup d’effort et de concentration, et il fait mal d’écouter tandis que nous avons tant de choses à dire !
Cet effort de l’écoute, ce « faire effort » que nous demandons également à nos enfants par l’injonction de se taire, contrarie notre culte de l’efficience entendue comme action centrifuge, moi vers les autres. Il ne s’agit plus de lutter contre ce qui résiste aux effets que je produis au dehors, mais d’instaurer un silence au-dedans, silence sans lequel nous sommes tellement pleins de nous-mêmes que nous ne savons plus entendre. Ce serait pourtant là se priver de la ressource des collaborateurs qui, eux aussi, ont cette tendance naturelle à exprimer. La force de ce mouvement d’ex-pression vers l’ex-térieur (cela fait beaucoup d’ex décidément !) souligne la nécessité correspondante d’im-primer, et nos expressions familières renferment de ce point de vue une profonde vérité (« t’imprime ce que je te dis ou quoi ! »).
Le sociologue Pierre Sansot décrit merveilleusement ce travail d’im-pression, ce difficile effort d’hospitalité in-térieure : « Ecouter ne constitue pas le rôle passif de l’échange, comme si chacun d’entre nous prenait à tour de rôle l’initiative. Il me faut beaucoup de vigilance et d’intériorité créatrice pour susciter cet espace d’accueil dans lequel les propos de l’autre pourront prendre place. Recevoir, se montrer capable de recevoir, nécessite autant d’initiative et de générosité que donner, à tel point que les égoïstes, les infirmes de l’échange, ne sauront jamais écouter. Il ne suffit pas qu’ils ouvrent toutes grandes leurs oreilles ou qu’ils cherchent à comprendre ce qu’il leur est dit. Il leur faudrait d’un geste superbe instaurer un vide stellaire dans lequel les mots de l’autre voltigent, papillonnent avant de se loger à leur aise. De même nous nous effaçons devant les choses pour qu’elles emplissent notre regard. A la suite de quoi se produit une sorte d’expérience merveilleuse. Une pensée autre que la mienne prend sens en moi. » Pierre Sansot, Du bon usage de la lenteur, Paris, Payot & Rivages, 2000, p. 45. Dire que cette « pensée autre que la mienne » est un atout et m’enrichit est somme toute assez banal, mais il faut tout de même l’ajouter à la longue liste des évidences que « la pression » et « le stress » tendent à nous faire oublier.
Faire le deuil momentanné de soi, c’est en effet un effort considérable demandé à l’être humain.Lui demander de s’abstenir avant d’agir , de taire ses interprétations. Banir la présomption de tout savoir, réfréner l’impatience de tirer des conclusions hâtives, et maîtriser l’orgueil puisque l’on a toujours à apprendre de l’autre.
Ecouter , c’est savoir regarder derrière les épais murs de nos histoires ….
L’écoute est-elle vraiment une option humaine ????
Ma route a déjà croisé quelques rares êtres d’exception …..
Il est possible d’espérer dans ce domaine.
Bravo d’insister: L’écoute , l’écoute et encore l’écoute…
Jean-luc VALENZA