Le caractère résolument non-technologique de notre méthode suscite toujours quelques surprises et interrogations. Dans le prolongement de ce débat, nous voudrions revenir sur les remarques que le pianiste russe Arcadis Volodos a faites il y a quelques mois déjà sur les ondes de France Musique. Le maitre y soulignait la différence entre la maitrise technique et la virtuosité, revenant ainsi à ce qui nous semble l’essentiel de toute culture humaine. La virtuosité, disait-il, est une qualité qui ne peut s’exprimer en des termes techniques, et n’a finalement que peu à voir avec la capacité de jouer vite et sans fausses notes. Comme dans toute technique, le jeu « piano midi » se mesure en quantité (la vitesse d’exécution) et en exactitude (les notes, la rythmique). Mais cette perfection, qu’Arcadis Volodos regarde avec la distance du véritable virtuose, ne fait cependant pas le véritable musicien. La beauté et, pour finir, la justesse de l’interprétation, tiennent plutôt à la capacité de « savoir faire bien des fausses notes ». Nous touchons là au paradoxe du goût et de l’intelligence, et rien ne peut nous faire mieux comprendre la subtilité de toute culture humaine qu’un interprète de classe internationale soulignant l’importance de « bien faire les fausses notes » !
Il en est tout à fait ainsi du management, dont les fameuses « boites à outils » sont des « programmes midi » sans rapport avec la virtuosité, disons l’intelligence fine que réclament les relations humaines. Les managers de terrain sont d’ailleurs ceux qui savent « bien faire des fausses notes », c’est-à-dire adapter les techniques un peu figées apprises en formation. La nécessité d’un tel discernement distingue le management de la simple exécution d’une partition.
Bonjour Très bel article que celui de la virtuosité du manager. Le manager virtuose en effet, est celui qui parvient à manier le grand paradoxe managérial. Savoir donner du cadre, contenant et sécurisant, autant qu’apprendre à l’oublier.La théorie est indispensable à une bonne pratique de l’accompagnement humain. Néanmoins, l’adaptation des techniques apprises par le manager, demeure une adaptation toujours personnelle, et ne peut avoir de valeur, de sens et d’acceptabilité, qu’associée à un travail personnel de ce dernier, pour un examen de ses ressources, de ses forces, de ses faiblesses, mais aussi de ses résistances à mettre en pratique la théorie. Jean-luc VALENZA